L'alliance avec les animaux
écrit le: 5 avril 2012 par telecharger
Le Noir admet fort bien la réincarnation de l’esprit d’un mort dans le corps d’un animal : lion, tigre, serpent, etc…
Au pays des âmes errantes, il est donc prudent de prendre des précautions et de chercher dès son vivant un refuge pour l’éternité.
Le sorcier noir pratiquera cette opération et, moyennant un cadeau, incarnera l’âme de son client dans le corps de son animal préféré.
L’alliance avec les animaux est un phénomène plus étonnant encore.
Elle se pratique au Dahomey, en Côte d’ivoire, en Guinée, au Sénégal. .. Au Dahomey, par exemple, tout près de Gogonou, se trouve une grande forêt s’étendant au sud jusqu’à Béroubouay et Dunkassa. Les hyènes et les léopards viennent souvent jusqu’aux huttes du petit village de Zougou. Chaque année, au printemps, il est rare qu’un petit fauve ne se laisse pas attraper vivant par les enfants.
Ils le portent au féticheur et celui-ci pratique l’alliance, c’est-à-dire « l’échange du sang », soit entre lui et le jeune fauve, soit entre un noir du village et l’animal. Avec la pointe d’un couteau il se pique l’avant- bras. Il entaille de même au cou la peau du fauve. Il frotte sa plaie sur celle de l’animal pour que les sangs se mélangent.
Les enfants lâchent ensuite la bête dans la forêt.
Cette pratique donne à l’homme, selon les féticheurs, le courage, la force et la souplesse du fauve. . .
Il m’a été donné de rencontrer, à Marseille, un noir, originaire du Dahomey, nommé Yagba. Je l’ai interrogé sur ces questions d’alliance avec les animaux et il m’a répondu ceci :
Je n’aime pas parler de ça.. . Je n’aime pas. Mais puisque tu veux savoir, je vais te dire ce qui est arrivé à mon père mort il y a trois ans au village de Batia, situé dans la haute vallée du Pendjani, un affluent de l’Oti qui se jette lui-même dans la Volta en Côte d’Or.
Baissant la voix, il continua :
- Batia se trouve sur le flanc des montagnes de l’Atakora. Il y a beaucoup de lions et d’éléphants dans les environs. Mais c’est un pays perdu. Pendant toute la saison des pluies la piste qui mène à Tanguiéta vers le sud est impraticable et le village est isolé. Autrefois, on y pratiquait le lien du sang avec les lions, les léopards, les guépards ou les singes. Cela ne se fait plus depuis longtemps. Pourtant, au printemps de 1953, après une fête présidée par le féticheur, mon père, ivre de vin de palme, voulut faire alliance avec un fauve. Quelques jours plus tôt, sur la piste de Boutougou, des chasseurs avaient ramené un lion vivant, un jeune lionceau blessé seulement à une patte de devant.
- Mon père demanda au féticheur de faire les gestes rituels. Le lionceau fut amené. Mon père s’entailla le bras gauche et frotta sa plaie saignante sur la blessure du fauve. « Maintenant, dit le féticheur, vous êtes liés pour la vie et pour la mort ».
- Et que se passa-t-il ensuite ?
- Mon père emmena le lionceau à la maison afin de le soigner avec des herbes. C’était une bête très douce. Elle s’habitua très vite à nous. Nous l’avons gardé pendant six mois. Puis un beau jour il disparut et regagna sa montagne. A Yagba, tous les chasseurs ne parlaient plus que du lion de Yagba-Dao, mon père. Il était défendu de le tuer si on l’apercevait.
Yagba me répéta ensuite un dialogue entendu entre le féticheur et son père :
- Depuis que je suis lié avec ce lion, je ne suis pas tranquille.
- Tu as raison Yagba-Dao de ne pas être tranquille.
- Que peut-il m’arriver ?
- Rien. . . s’il n’arrive rien à ton lion.
- Et si quelque chose lui arrive ?
- S’il est blessé, tu souffriras du même mal. S’il est malade, tu seras malade.
- Et s’il est tué ?
- Tu mourras aussitôt.
Yagba reprit son récit.
- Un jour, mon père tomba malade. De fortes coliques le faisaient se tordre de douleur. Le féticheur lui donna des remèdes, rien n’y fit. Quatre jours plus tard, dans la nuit, mon père mourut.
- Le lion n’y était donc pour rien ?
Yagba ouvrit de grands yeux :
- Au petit matin, nous l’avons trouvé étendu mort à la sortie du village.
- Et, Yagba, vous croyez vraiment qu’il y a un lien entre ces deux morts ?
Yagba répondit indirectement :
- Elles se sont produites la même nuit.
- C’est une pure coïncidence.
- Peut-être, fit Yagba, seul le féticheur peut le savoir.
- Votre père avait-il eu auparavant des coliques ?
- Ça lui arrivait.
- Vous voyez bien.
- Mais il n’en était pas mort. . .
Au Dahomey, on expliquera que l’âme du lion, dans ce cas, a voulu se venger. On contera des histoires plus extraordinaires encore, comme celle de Mbako le féticheur, du village de Kpekplémé. Il affirmait être lié avec une hyène. Cela lui donnait la possibilité de voir la nuit. De plus, il prétendait pouvoir se transformer en hyène et racontait lui-même les chasses faites lorsqu’il se trouvait sous cette forme.
Des légendes de ce genre frappent l’esprit simple des noirs et se répètent de génération en génération. Elles font le tour de l’Afrique. Les féticheurs les reprennent à leur compte pour se donner de l’importance aux yeux de leurs fidèles. A force de les répéter, certains, peut-être, finissent par y croire eux-mêmes.
De nombreux féticheurs assurent qu’ils savent parler aux animaux et qu’ils connaissent leur langage.
Le missionnaire Dan Crawford affirme même avoir vu un sorcier « convoquer » des lions et des hippopotames sur les rives du lac Mwéru en Afrique Centrale, sur un simple coup de sifflet.